Que faire face à une victime avec des directives anticipées ?

Lors d'une intervention traditionnelle, le secouriste ou le personnel soignant procède à une anamnèse et des examens (ceux-ci sont adaptés au niveau de compétences des intervenants et à la situation). Les secours proposent des soins et un traitement. La victime est ainsi en mesure d'apporter son consentement éclairé.

Mais comment ça se passe lors d'une réanimation ou d'une autre situation d'urgence où la victime ne peut plus donner son consentement ?

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En situation d'urgence, ce schéma classique de prise en charge est inapplicable pour plusieurs raisons:

  • La première est le manque de temps, les intervenants sont face à une situation d'urgence absolue, ils sont dans un contre la montre. Dans une réanimation, les chances de survie diminue de 7 à 10% toutes les minutes, c'est pourquoi la RCP ne devrait pas être retardée.
  • La deuxième est l'absence de volonté exprimée de la victime. Celle-ci est dans une situation qui ne lui permets pas de s'exprimer ou elle n'a pas sa capacité de discernement (elle n'est pas capable de faire un choix avec un consentement éclairé).
  • Et la dernière est le manque d'informations, les intervenants ne disposent pas des informations nécessaires à l'anamnèse (la victime ne peut pas exprimer sa situation et il n'y a pas de proche à ses côtés). C'est très souvent la première fois que nous intervenons pour cette personne, les secours ne la connaissent malheureusement pas.

Dans ces situations, les intervenants ne doivent pas interpréter la volonté de la victime, car les attentes individuelles sont très variables. L'origine ethnique, le sexe, le niveau d'éducation, les croyances religieuses sont autant d'autres paramètres personnels amenant à des choix différents. Des études ont montré que les  personnes âgées de pays tels que les Etats-Unis, l'Angleterre ou Israël désiraient en majorité, bénéficier de RCP en cas d'ACR, alors que seule une minorité des Irlandais y était favorable.

Alors comment devons-nous procéder ?

Les directives anticipées constituent un des meilleurs outils pour assurer le respect de la volonté de la victime. Plusieurs cantons romands donnent une existence juridique à ce document (exemple, le site officiel du canton de Vaud). Certains détracteurs remettent en cause ce document à cause des éléments suivants:

  • Leur inaccessibilité en urgence (le dossier électronique du patient pourrait peut-être être une solution, mais nous le traiterons dans un autre article).
  • La difficulté d'interprétation par les familles et/ou les soignants.
  • Le non respect des directives pourtant explicites par les soignants.
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Qui doit avoir des directives anticipées ?

Celles-ci ne doivent pas être réservées qu'aux personnes âgées, nous devrions tous y penser dès un certain âge (nous vous laissons déterminer celui-ci, mais la quarantaine est une bonne période). Pouvoir les compléter sans le stress du temps et avec l'aide de son médecin traitant est une vraie plus-value !

Après ça, il sera important de les communiquer à votre famille et vos proches. Il faudra aussi les renouveler, si possible tous les deux ans.

Face à une réanimation sans directives anticipées, nous débuterons une réanimation, mais que devons-nous faire si la victime a demandé à ne pas être réanimée ?

Il est important de rappeler que ces directives doivent être vue par les intervenants, sans la possibilité de lire ce document, nous devrions débuter la réanimation durant l'attente de ceux-ci. Appliquer les désirs de la victime c'est souvent difficile, mais c'est la loi.

Les directives médico-éthiques "décision de réanimation" édictée par l'Accadémie Suisse de Sciences Médicales (ASSM) décrive le cadre juridique ci-dessous: 

En principe, l’exigence du consentement explicite à un traitement s’applique également aux mesures de réanimation. Une patiente victime d’un arrêt circulatoire n’est pas capable de discernement, il est donc impossible d’obtenir son consentement éclairé à ce moment-là. Dans une telle situation d’urgence, le Code civil suisse stipule que la médecin adopte des mesures médicales conformes à la volonté présumée et dans l’intérêt de la personne incapable de discernement. Si la volonté présumée est connue, toutes les mesures doivent s’orienter dans ce sens. Pour autant que les circonstances (contraintes de temps, lieu de l’arrêt circulatoire, etc.) le permettent, l’équipe de secours doit rechercher des indices permettant de déterminer la volonté (présumée) de la patiente. Si la personne concernée refuse les tentatives de réanimation, aucune mesure de réanimation ne doit être entreprise. S’il n’est pas possible de déterminer la volonté (présumée) de la patiente, ses intérêts sont déterminants et des mesures de réanimation doivent être appliquées dans la mesure où elles ne sont pas dénuées de sens...

...S’il s’avère, après l’introduction de mesures de réanimation, que celles-ci ne correspondent pas à la volonté (présumée) de la patiente, par exemple sur la base de directives anticipées ou de déclarations crédibles des représentantes légales et/ou des proches, les mesures doivent être interrompues...

...En situation pré-hospitalière, les secouristes non médecins agissent dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées. La délégation des compétences est effectuée par la direction médicale du service de secours. L’exécution des mesures de réanimation et le renoncement à ces mesures sont soumis aux mêmes règles que pour le corps médical.

Ces même directives, stipulent également qu'un tatouage, une carte non signée ou un pendentif NO CPR n'ont aucune valeur légale. Les directives anticipées sont l'unique moyen légal pour communiquer ces désirs, c'est pourquoi nous vous conseillons fortement de faire ces démarches si vous ne désirez pas certains soins.

Exemple N°1:

Vous êtes au restaurant, une personne âgée d'environ 65 à 70 ans vient de s'effondrer (moins d'une minute) et il est inconscient sans respiration. Le patron du restaurant vous informe que cette personne vient régulièrement et qu'il lui aurait exprimé qu'il ne désirait pas d'acharnement.

Que faites-vous ?


Notre réponse:

Dans cette situation, il est important de débuter la réanimation en attendant la confirmation de ces désirs écrits. En cas de doute, vous pouvez contacter le 144 pour leur soumettre votre question, tout en continuant la RCP (réanimation cardio-pulmonaire).

Exemple N°2:

Vous êtes chez des amis, le voisin vient vous chercher car son conjoint vient de s'écrouler sur les WC. La personne est inconsciente, sans respiration avec un teint très pâle. Le voisin vous informe que cette personne a un cancer incurable et qu'elle ne désire pas être réanimée. Elle dit être son représentant thérapeutique.

Que faites-vous ?


Notre réponse:

Dans cette situation, nous vous recommandons de demander rapidement l'accès aux directives anticipées. Si celles-ci sont présentes, signées de la victime/patient et qu'elles demandent aucune réanimation en cas d'arrêt cardiaque, vous ne devez pas débuter une RCP. En cas de doute, vous pouvez contacter le 144 pour leur soumettre votre question, tout en débutant la RCP.

Les directives anticipées peuvent être sous forme de carte de visite (doit être manuscrite, signée par la victime et datée) et placées dans le porte-monnaie de la victime. Dans un premiers temps, nous ne vous recommandons pas de faire ces recherches par manque de temps. Une fois que vous êtes plusieurs intervenants, cette évaluation peut être effectuée en se mettant toujours à deux (toujours avoir un témoin qui pourra confirmer la fortune présente dans le porte-monnaie).

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Conclusions:

Lors d'une situation de réanimation, sans directives anticipées, il est de rigueur de débuter la réanimation. En cas de doute, l'intervenant devra continuer la réanimation jusqu'à l'arrivée des secours professionnels. Il peut également contacter le 144 pour avoir l'avis d'experts en soins d'urgences.

Que nous soyons un professionnel de la santé ou un secouriste, nous devons respecter le consentement éclairé des patients/victimes. Si la personne en arrêt cardio-respiratoire a des directives anticipées conformes, nous ne devons en aucun cas débuter la réanimation, même si c'est difficile pour les intervenants.

Pour les personnes qui désirent établirent des directives anticipées, nous vous recommandons de consulter le site FMH ou le site PROSA et d'en parler avec votre médecin traitant. C'est pas facile de penser à notre propre mort, mais c'est l'unique moyen de transmettre nos désirs !